Genève, le mardi 19 juillet 2011 – Savent-ils même encore ce qu’ils fuient ? La famine ou la guerre ? « La majorité des nouveaux arrivants ont fui parce qu’ils n’avaient plus rien à manger et pas seulement parce que leur pays est en guerre depuis des décennies » raconte Anita Sackl, membre de Médecins sans frontière (MSF) et coordinatrice au sein du camp de Dadaab au Kenya d’une étude sur le statut nutritionnel des enfants de six mois à cinq ans. Le témoignage de Mahmoud, arrivé avec sa femme, ses cinq enfants et sa mère il y a quelques jours le confirme : « En Somalie, nous étions des éleveurs mais tout le cheptel est mort avec la sécheresse. Il n’y avait pas de combat dans notre village, mais un groupe armé a exigé que nous leur payions des taxes. Je ne pouvais pas payer, alors on a décidé de s’en aller ».
400 000 personnes dans un camp de réfugiés
Partir pour trouver refuge à Dadaab : trois camps de réfugiés, Dagahaley, Hagadera et Ifo, construits il y a vingt ans, destinés déjà à accueillir des Somaliens fuyant la guerre. Ils devraient pouvoir héberger 90 000 personnes. Aujourd’hui, ils sont 400 000 à s’entasser là, tandis que des dizaines de milliers d’autres se sont arrêtés en bordure du camp : 65 000 selon le Haut Commissariat aux Réfugiés (HCR). L’afflux ne se tarit pas : « Il y a trois mois, 200 à 300 personnes arrivaient quotidiennement à Dadaab. Ces derniers jours, ils sont environ 1 600 et le flux n’est pas près de se tarir » constate, interrogée par la chaîne France 24, Alexandra Lopoukine, de l’organisation Care. Aujourd’hui, l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation (FAO) considère qu’un quart des 7,5 millions de Somaliens « est soit déplacé, soit s’est réfugié à l’extérieur du pays ».
37,7 % des enfants souffrent de malnutrition aiguë globale
L’arrivée à Dadaab c’est l’espoir de trouver enfin paix et nourriture. Pourtant, jusqu’à il y a encore quelques semaines, l’aide alimentaire n’était distribuée que difficilement aux nouveaux arrivants. Il fallait compter en effet 40 jours pour être dûment enregistré par le HCR et pouvoir ainsi recevoir des distributions régulières de nourriture. Dans l’attente, « ils n’obtenaient qu’une ration alimentaire pour deux jours et un bidon en plastique de cinq litres d’eau » raconte MSF. Désormais, cette situation « inacceptable » selon l’organisation s’est considérablement améliorée. Il faut dire que le rationnement alimentaire ne pouvait plus être imposé à une population arrivant totalement exsangue. Une enquête menée dans le camp de Dadaab par MSF auprès de 500 enfants de six mois à cinq ans a en effet révélé que « 37,7 % d’entre eux souffrent de malnutrition aiguë globale, dont 17,5 % sont sévèrement atteints avec un risque de décès » résume l’ONG. « Certains enfants sont tellement faibles, qu’ils n’arrivent pas à supporter le poids de leur tête » raconte de son côté Alexandra Lopoukine.
Dix millions de personnes nécessitant une aide d’urgence
Le camp de Dadaab n’est que le triste reflet d’une situation qui meurtrit toute la Corne de l’Afrique. Il y a quelques jours, le Comité international de la Croix Rouge évoquait ainsi une situation très inquiétante concernant les enfants « de moins de cinq ans dans le centre et le sud de la Somalie ». Depuis mars, le nombre de petits atteints de malnutrition aiguë sévère a en effet presque doublé. L’Unicef assure pour sa part que deux millions d’enfants souffrent de malnutrition dans l’ensemble de la Corne de l’Afrique. Les plus jeunes ne sont en outre pas les seuls touchés : de six millions de personnes nécessitant une « aide d’urgence » au début de l’année, nous sommes désormais passés à 10 millions de Djiboutiens, Ethiopiens, Kenyans, Somaliens et Ougandais à sauver selon la FAO et le PAM.
Crises sans fin
Deux ans de sécheresse sont à l’origine de cette situation qui s’ajoute à un chaos chronique notamment en Somalie. Dans ce dernier pays « Les prix ont augmenté de 270 % » indique Jens Opperman, chef de mission d’Action contre la faim (ACF) interviewé par le Monde. Aujourd’hui, les organisations humanitaires bénéficient cependant d’une marge de manœuvre plus importante. Les responsables de l’insurrection en Somalie, le groupe Al Shabaab, qui restreignaient très fortement les activités humanitaires dans les régions qu’ils contrôlent viennent d’annoncer qu’ils acceptent désormais l’aide étrangère. Cette dernière a d’ailleurs déjà commencé à affluer. Un sauvetage qui ne peut cependant que désoler le secrétaire général des Nations Unies Ban Ki-Moon qui observe : « Maintenant tout le monde se rue pour faire quelque chose. Si nous continuons à répondre aux sécheresses et crises de cette façon, elles ne prendront jamais fin, il n’y aura pas de solution et l’aide sera toujours trop faible, arrivera toujours trop tard » a-t-il déclaré hier à Nairobi.
Aurélie Haroche
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