Propoxyphène: du risque théorique à la réalité du terrain

Le retrait progressif ou brutal selon les pays du propoxyphène (outre-Atlantique) ou du dextropropoxyphène chez nous a beaucoup fait couler d’encre. À côté du risque de décès par suicide, motif initial du retrait européen, les autorités américaines, à savoir la FDA, ont pointé le risque de décès par torsades de pointes. Ce risque a été mis en évidence, sur le plan théorique, à l’aide d’une étude de phase I au cours de laquelle l’administration de la drogue à doses progressives avait été associée à une franche augmentation de l’intervalle QT. Cependant, il n’existait à ce jour aucun cas rapporté décrivant un tel risque qui restait donc purement théorique et discutable pour certains.

On concevra donc tour l’intérêt du présent cas rapporté : une femme de 74 ans a été hospitalisée pour syncope une semaine après une intervention orthopédique. Son traitement, inchangé depuis des années, comportait un ß–bloquant, un inhibiteur de l’enzyme de conversion, une statine, de l’aspirine, un inhibiteur de la pompe à proton et de la fluoxétine. Il lui a été rajouté en postopératoire une association paracétamol-propoxyphène (120-160 mg/j).

Elle a présenté plusieurs pertes de connaissances lors de son admission. Un épisode de torsade de pointe ayant dégénéré en fibrillation ventriculaire récupérée a notamment pu être documenté. Elle a été traitée de façon classique, mais a nécessité la pose d’un stimulateur cardiaque transitoire pour accélérer le cœur à 90/min.

Le bilan à distance s’est avéré normal avec un QTc limite à 450 ms déjà présent en pré-opératoire et la patiente n’a pas récidivé.

Cette observation confirme le risque de mort subite associé à une administration de propoxyphène-dextropropoxyphène à dose thérapeutique. On rappellera que le sujet des conversions de dose entre les deux énantiomères est délicat et qu’il est préférable de se fier aux indications de chaque pays pour déterminer les doses théoriques. Enfin, on notera que, malgré des discussions récentes, le message de sûreté médicamenteuse a du mal à passer, puisque le risque de torsade de pointe avait déjà été démontré en 2006 par une équipe américaine qui invitait alors à ranger la molécule au rayon des antiquités.


Dr Benoît Tyl

Adler A et coll. Propoxyphene induced torsade de pointes. Heart Rhythm 2011, publication en avance.
Barkin RL et coll. Propoxyphene (Dextropropoxyphene): A Critical Review of a Weak Opioid Analgesic That Should Remain in Antiquity. American Journal of Therapeutics 2006 ;13(6):534-542
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